qui aime bien châtie bien. alors prépare ta tête de moche parce que j't'adore.

« Non je crois pas non. » Du plat de la main, Paprika repoussa le garçon et ses lèvres qui s’approchaient dangereusement des siennes. Celui-ci eut l’air déçu, et ricana, comme si c’était une blague. Elle lui fit un sourire mielleux et claqua la porte, épuisée. La veille au soir, il ne semblait pas aussi collant. Pourtant elle avait été clair : un coup d’un soir parce que t’es canon et le matin t’es parti avant que ma colloc soit réveillée et prépare le petit-déjeuner. Il avait suffisamment traîné, puisqu’elle entendait déjà Pandora s’agiter dans la cuisine. Enfin, s’agiter était un bien grand mot. Elle traînait les pieds et faisait tomber tout ce qui croisait son chemin. Quand elle aurait les yeux en face des trous, ça irait mieux. La rouquine s’adossa contre la porte un instant, remettant ses idées en place. La perte de la notion du temps était quelque chose de fréquent chez elle. Parfois, ça lui posait des problèmes plus ou moins grands, mais souvent elle arrivait à se retrouver facilement. Et aujourd’hui, c’était… « MERCREDI PUTAIN, J’AI FAIS LES COURSES LUNDI ET Y’A DEJA PLUS DE CAFE ET ON EST MERCREDI. PAPRIKA RAMENE TON GROS CUL » Mercredi, merveilleux, wonderful, wunderbar. La dite Paprika n’écouta en rien les cris de sa colocataire. Sa perte de la notion du temps – et encore plus fréquemment du jour que l’on était – était partiellement parce qu’elle ne dormait que très rarement grâce à cette merveilleuse substance noire amer communément appelée café. Elle épuisait les ressources de celui-ci en un temps record, ce qui avait le don d’énerver Mademoiselle Fowl, propriétaire de la grande maison dans laquelle Polaris s’était finalement installée. C’était ce qu’elle avait trouvé de mieux le plus rapidement, et la propriétaire lui avait tout de suite plu. Ouvrant la porte de sa chambre le plus discrètement possible, elle n’eut qu’en écho une autre plainte. « JE SAIS QUE T’ES LEVEE, T’AS CRU J’ETAIS CONNE OU ? » Haussant les épaules, la jeune Norton claqua le battant de bois d’un coup de pied derrière elle et chercha dans son placard de quoi s’habiller. Oh et puis, tiens, elle allait prendre une douche avant d’aller expliquer à Miss Pandora qui faisait sa crise matinale que la réserve de café que Paprika avait pris le soin d’acheter était dans le tiroir sous le lavabo, qu’elle n’ouvrait jamais. Mais c’était trop drôle de la voir rager au moins une fois par semaine. Sans aucun doute, la brune allait finir par se venger plus ou moins violement, mais c’était le quotidien des deux jeunes étudiantes et elles adoraient ça. La rousse se glissa sous la douche avec un sourire. Ce mercredi commençait bien.

En enfilant une robe, la première qu’elle avait trouvée, Paprika commença à se dire qu’elle avait faim. En fouillant dans son sac pour chercher son tout nouveau téléphone, elle se prit une bouteille de bière dans le pied, qu’elle prit bien soin d’insulter copieusement avant de passer à autre chose. Attrapant les canettes de coca qui traînaient partout d’une main et la bouteille en verre de l’autre, elle se prépara mentalement à faire face à Pandora. Celle-ci était dans la cuisine, en train de se battre avec un tiroir qui s’ouvrait mal. C’était toujours le même, et c’était toujours la même scène. Les deux filles galéraient avec le tiroir qu’elles avaient à ouvrir le plus souvent, et n’avaient jamais pris la peine de changer le contenu pour un truc plus pratique. Non, c’était comme un petit rituel. Paprika n’était pas là depuis longtemps, contrairement à la Fowl qui résidait dans son ancienne maison familiale, et pourtant elles avaient leurs habitudes. La future avocate n’était pourtant pas quelqu’un qui s’attachait facilement aux choses, mais elle n’avait pas le moins du monde envie de déménager, et ce n’était pas cette ville de merde qui la retenait, certainement pas. C’était certaines personnes, une partie de sa routine aussi. Et le fait qu’elle soit loin des emmerdes de sa famille en Floride, loin de sa sœur qui lui sortait par les yeux, loin de son père surprotecteur et loin du reste. Reste étant un garçon pour qui elle en avait presque pincé et qui avait choisi sa sœur, finalement. Ils devaient être mariés, depuis. Elle ne savait même pas, n’ouvrant aucune lettre venant de chez elle, ignorant tous les appels et les multiples sms. Il n’y avait que la plage qui lui manquait. Se balader topless à Glastonbury aurait semblé un brin étrange, aussi beau soit-il. Le topless, bien évidemment, pas le village de merde en Angleterre. Son école de droit ne changeait pas, le fonctionnement était le même, et ce qu’elle préférait c’était accentuer son accent américain pour qu’il ressorte bien et qu’il contraste avec l’anglais qui régnait en maître dans les environs. C’était toujours drôle. Il y avait forcément un patriote ou un allergique aux Etats-Unis qui tiquait. Elle savait alors qu’elle avait réussi sa journée.

« LE CAF- » « Le café, oui, sous le lavabo, c’est pas la première fois que je te le dis. T’as failli faire fuir mon prince charmant d’hier soir en gueulant comme un porc. Ou une truie ? Oh tant pis ça revient au même pour toi toute façon. » Pandora grommela quelque chose que la rousse choisit de ne pas écouter. Paprika s’assit sur la table et attrapa un morceau de bacon dans une assiette, le mâchouillant d’un air distrait, observant la pluie qui tapait contre les carreaux. « Mais finalement c’est moi qui l’ait viré. J’avais même pas vu qu’il pleuvait. Boh, ça le réveillera. » Fixant un instant ce qu’elle avait à moitié mangé, l’étudiante le lança dans le dos de la brune, qui sursauta et le laissa tomber par terre. Avant qu’elle n’ait pu se plaindre, Polaris haussa les épaules. « C’est dégueu putain, comment tu fais pour rater le bacon à chaque fois. T’es british depuis plus longtemps que moi en plus, tu devrais savoir je sais pas. Sous douée Pandora a encore frappé. » Sans avoir eu le temps de bouger, la rousse se reprit le morceau de viande à moitié mangé dans la tête. Elle l’attrapa par terre et essaya de le lancer dans la poubelle. Il atterri dans le lavabo. « Putain. Tu sais que j’ai cassé mon téléphone la semaine dernière comme ça ? J’ai voulu le lancer dans mon sac et… il s’est méchamment retrouvé par terre et l’écran était niqué. Du coup j’en ai un neuf. Enfin bref. » Dévisageant la brune qui venait de réussir à faire du café, une tasse pile poil, bien évidemment – en faire assez pour Paprika n’était pas chose commune -, Polaris claqua sa langue sur son palais. « Tu parles pas ce matin. T’aurais ptètre eu besoin du mec de ma nuit dernière. Chiant et con, mais un bon coup alors j’ai pas cherché plus loin. »