t'as rien à faire là (r)

HOLDEN & TAMARA
Comment exprimer ce que la nuit m'inspire
Ce qu'elle nous suggère et ce qu elle respire
Ce moment d'obscurité qui met en lumière nos fissures

Fucking journée. Tamara était lessivée et avait dû se retenir toute la journée pour ne pas encastrer un de ces idiots dans le mur. Elle avait déjà bien assez de sa misérable condition à la maison, elle n'avait nullement besoin que des bourgeois mal lunés ne viennent l'emmerder sur son lieu de travail, parce que machin avait piqué le casier de bidule ou encore parce que l'herbe du parcours de golf n'était pas assez verte ou bien dense. Qu'est-ce qu'elle y pouvait elle ? Elle se contentait de réceptionner les coups de téléphone, de dire bonjour et de s'occuper de quelques papiers. Alors leurs soucis -qui n'en étaient en réalité pas du tout- ne l'intéressaient vraiment pas. Qu'ils aillent tous au diable, eux et leur voiture qui coûtait certainement plus chère qu'une maison. Elle avait parfaitement conscience de n'être rien du tout pour la majorité d'entre eux, mais il n'était peut-être pas nécessaire de le lui rappeler à longueur de temps avec des caprices puériles et des remarques agressives. C'est qu'ils n'iraient ensuite pas se plaindre au grand patron, courageux comme ils étaient. Bien plus facile de s'en prendre à la petite employée de base qui ne pouvait rien dire parce qu'elle avait absolument besoin de ce boulot. Bien qu'elle le détestait. Elle avait dû en plus rester jusqu'à point d'heure pour faire l'inventaire, histoire de terminer le tout en beauté. Oui, le moins que l'on puisse dire c'est que Tamara ne respirait pas la joie de vivre ce soir-là. La tête appuyée contre la vitre du bus qui la ramenait chez elle -youpi !- elle regardait le paysage défiler, le regard éteint. Quelques minutes plus tard, le bus s'arrêta à un feu et elle scruta les voitures garées sur le parking du south tavern. D'abord distraite, ses yeux se plissèrent alors qu'une voiture se détachait du lot. Cette couleur, cette marque, cette plaque... Son regard s'illumina soudainement alors qu'elle retrouvait en mémoire le propriétaire. Ses sourcils se froncèrent trahissant sa contrariété. Il n'y avait pas le moindre match ce soir et donc aucune raison qu'il fréquente ce genre d'endroit. La situation était fortement déplaisante et Tamara, dans toute sa splendeur, fit preuve d'impulsivité et se leva de sa place pour regagner l'avant du bus avant qu'il ne redémarre. Sans réfléchir à ce qu'elle était en train de faire, elle intima au chauffeur de la laisser descendre là, parlant d'une urgence. D'abord, hésitant, l'homme finit par obtempérer devant l'impatience de la petite blonde. Elle remonta sa sacoche sur son épaule et traversa la route en courant pour rejoindre le fameux bar, bien décidée à ne pas en ressortir "seule".

A peine rentrée et déjà les effluves de l'alcool venaient lui titiller le nez, lui arrachant une légère grimace de dégoût. Elle sentait tellement souvent cette odeur qu'aujourd'hui elle avait de plus en plus de mal à la supporter. Ça lui soulevait le cœur et lui retournait l'estomac. Une sensation dérangeante mais elle se fit violence et décida de passer outre afin de retrouver ce pour quoi elle était venue. La majorité masculine de l'endroit ne l'aidait pas à se sentir à son aise et les regards inquisiteurs qu'on lui lançaient la laissait de marbre. Son regard s'agitait à gauche et à droite, cherchant un point précis. Et finalement, là, assit au bar, la silhouette brune de Holden se dressa devant elle. Tamara soupira, désespérée de le retrouver ici, seul, un verre à la main. Elle pinça les lèvres, peinée et fâchée tout à la fois. D'un pas décidé, elle brisa les quelques mètres qui les séparaient encore et se faufila entre lui et l'homme à côté afin de se hisser à sa hauteur. Elle posa une main sur son bras pour pouvoir attirer son attention. Lorsqu'elle croisa son regard elle se sentit défaillir. Il y avait un truc qui clochait dans son regard. Quelque chose qu'elle ne voyait pas autrefois. C'était récent et sans qu'elle ne puisse expliquer pourquoi, ça lui faisait mal. Elle fit pression sur son bras, cherchant à se faire réconfortante mais ferme à la fois. Elle poussa sa voix afin de se faire entendre à travers le brouhaha ambiant. « Holden... Qu'est-ce que tu fais là ? » Dans son regard se mélangeait compassion et déception, sans qu'elle ne puisse maitriser ça. Quand quelque chose l'affectait, Tamy avait toujours eu un mal fou à se contrôler. Mais depuis que Holden s'était métamorphosé, la jeune fille s'était promit de faire quelque chose pour lui. Et Tamara tenait toujours ses paroles.

- HOLD ON TO WHAT YOU WERE BEFORE -
Back against the wall at odds,
With the strength of the will and a cause,
Your pursuits are called “outstanding”, though emotionally complex.

« Holden, on va faire un tour au South Tavern. Tu nous rejoins ? » Le regard azur de l’homme se pose un bref instant sur la pendule qui trône dans son bureau. Dix-huit heures trente. Il commence à être tard et il devrait certainement rentrer pour éviter que sa femme ne se fasse un sang d’encre. Mais il rejette sa tête en arrière et se souvient que finalement, il préfère retarder le moment où il posera son regard sur sa douce Caroline. « J’arrive. » D’un geste machinal, il éteint son ordinateur et attrape son blouson, son téléphone, ses clés tandis que son collègue de travail lui lance un sourire en coin victorieux. D’habitude, c’est toujours la croix et la bannière pour le traîner dans un bar. Il pense que ça ne sert à rien, qu’il a mieux à faire que de rester à discuter vulgairement avec d’autres hommes ou à reluquer la première demoiselle qui passe devant lui. Holden n’est pas un prédateur et n’en a jamais été un. Il ne peut supporter de se comporter comme un lourdaud, de lancer des propos salaces à la première venue, de se montrer irrespectueux avec une créature qui doit en affronter bien assez tous les jours. Sa mère lui a toujours appris à respecter la gente féminine, que ce soit dans n’importe quelle situation. Le respect, principe ô combien fondamental chez la famille Rhodes est la réponse à toute les situations.

Mais il faut croire qu’en ce moment, le respect, Holden lui dit merde.

***

Le bar est plein à craquer. Des hommes, principalement, s’affaissent autour du comptoir. L’alcool est le seul sujet de conversation dans ce lieu sacré et même l’homme le plus respectable de la ville ne pourrait pas résister à son appel. Entre deux groupes se tient une silhouette masculine, verre de whisky à la main, le regard vide. Vide de tout intérêt. Vide, comme celui d’un mort. Les hommes qui l’entouraient ont progressivement regagné leur domicile conjugal, rattrapés par le souvenir de leurs femmes, furieuses de les voir arriver à une heure aussi tardive. Seul Holden demeure. . Caroline essaie certainement de le joindre mais il n’en a cure. L’alcool qu’il a ingurgité l’a rendu résistant aux charmes de sa femme, charmes qu’il s’efforce de noyer, charmes qu’il ne veut plus affronter. Les moments de bonheur au sein du foyer semblent avoir disparu pour de bon, seule sa rancœur demeure au lus profond de son cœur. Ne peut-elle pas rester à sa place, faire semblant, se montrer compatissante au lieu de lui voler la place qu’un homme est censé occuper au sein d’un foyer ? Comment veut-elle avoir un enfant dans ces conditions ? Un enfant qui ne voit que par sa mère parce que son père ne peut rien dire, rien faire, ne peut exercer son autorité ? Holden a déjà essayé de remettre le jeune Loveless dans le droit chemin ce qui s’est traduit par un échec lamentable. Il n’a aucune autorité, aucune droiture, comme celle de son père. Un raté, un impuissant, un incapable. Voilà ce qu’il est devenu. Et l’idée d’un enfant lui donne la nausée. Jamais. Plus jamais. « Holden... Qu'est-ce que tu fais là ? » Il sursaute brutalement, son regard bleu se posant sur la jeune femme qui a daigné lui parler. Un faible sourire en coin se dessine sur son visage, adoucissant ainsi ses traits durcis par les récents évènements. Il est presque soulagé de voir un visage familier mais se ravive et reprend la même posture qu’avant l’arrivée de la demoiselle. « Tu devrais être au lit à cette heure-là. » Son regard continue à fixer le vide, conscient que s’il daigne le poser sur la blondinette répondant au doux nom de Tamara, il finirait par craquer. La honte, la rancœur, l’impuissance, le regret, le désespoir. Autant de sentiments qu’il serait facile de déceler dans ces yeux rêveurs pour toute personne le connaissant un tant soit peu. Et Tamara fait partie de ces gens-là. Il l’a aidée à plusieurs reprises, ils se sont rencontrés plusieurs fois, ils se connaissent par cœur et pourtant, ce n’est pas à elle qu’il ouvrira son cœur. Certes, elle est belle. Elle est blonde. Comme Caroline. Il aime les blondes. Elle est jeune. Il pourrait lui sauter dessus en moins de deux pour oublier ses tracas mais il ne le fera pas. Le respect, encore et toujours. « Je suis sérieux, Tamara. Rentre chez toi. C’est loin d’être endroit sécurisé pour une jeune femme, le soir. » Et sans lui accorder le moindre regard, il lève la main pour un autre verre.

Il a besoin de combler le vide.

HOLDEN & TAMARA
Comment exprimer ce que la nuit m'inspire
Ce qu'elle nous suggère et ce qu elle respire
Ce moment d'obscurité qui met en lumière nos fissures

Il sursauta si fort que Tamara fut presque honteuse de l'avoir sortit de ses pensées. Mais vu la mine qu'elle lui avait aperçu en arrivant, elle doutait fort qu'il s'était égaré en des lieux agréables. Le sourire qu'il lui offrit pendant quelques secondes à peine, suffit à lui réchauffer le cœur et la rassurer. Au moins, il était heureux de la voir et c'était déjà ça. Même si c'était loin d'être suffisant, ça lui donnait la force de continuer à croire que tout n'était pas perdu pour lui. L'espoir continuait de briller, certes fragile comme la flamme d'une bougie. Mais Tamara avait apprit à se satisfaire de peu et ça lui suffisait bien pour mener sa quête à bien. Elle voulait le revoir sourire pour un oui ou pour un non. Chasser définitivement ce poids qui pesait sur lui comme le plus lourd des fardeaux. Il méritait tellement mieux. Elle lui avait sourit en retour, douce et chaleureuse. Mais celui-ci s'envola bien vite alors que Holden prenait la parole. « Tu devrais être au lit à cette heure-là. » A vrai dire, elle ne s'était pas attendue à ça. La voilà qui déglutissait et redressait la tête, interloquée. Peut-être même... un peu vexée. Il n'avait pas répondu à sa question, la croyait-il vraiment trop naïve pour ne pas s'en apercevoir ? Mais, ne voulant pas l'offusquer, elle décida de prendre ça à la rigolade afin de ne pas rendre les choses plus difficiles quelles ne l'étaient déjà. Elle croisa ses bras et afficha un petit air bougon, un léger sourire en coin venant la trahir. « Hey, je ne suis plus une enfant. » Il avait apparemment quelques difficultés à voir ô combien elle avait grandit depuis leur première rencontre. Il l'avait connu adolescente et elle était désormais adulte. Et du haut de ses 23 ans, c'était presque insultant de s'entendre dire qu'elle devrait être au lit. Elle ne voulait plus qu'il la voit comme cette jeune fille apeurée qui s'était méfiée de lui au départ avant de finalement lui accorder sa confiance. Elle n'était plus aussi innocente et fragile. Et elle voudrait tellement qu'il ouvre les yeux sur sa condition. Qu'il arrive à la voir telle qu'elle était maintenant et non plus telle qu'il l'avait connue les premières années. Mais il ne la regardait même pas à vrai dire, fixant son regard plus loin. Les prunelles de Tamara se baissèrent quelques instants, cachant sa déception. Elle ne savait plus comment attirer son attention. Mais la jeune femme refusait catégoriquement de baisser les bras. Il avait tant fait pour elle, il était désormais l'heure de lui rendre la pareille. « Je suis sérieux, Tamara. Rentre chez toi. C’est loin d’être endroit sécurisé pour une jeune femme, le soir. » Pitié. Elle roula des yeux, telle une adolescente effrontée. Et histoire de lui prouver qu'elle n'avait pas l'intention de l'écouter un seul instant, elle agita la main pour attirer l'attention du barman et s'exclama : « La même chose que lui, s'il vous plait. » Et, satisfaite, elle posa son regard sur Holden, un sourire insolent sur les lèvres. Affectueuse, elle glissa son bras autour du sien et souffla : « Je ne crains rien, tu es là. » A vrai dire, Tamara n'hésiterait pas une seule seconde à lui confier sa vie. Elle avait en lui une confiance aveugle et il n'y avait aucune raison pour que cela change. Et puis les hommes qui peuplaient ce bar étaient bien trop préoccupés par l'idée de boire un autre verre pour s'occuper d'elle. Elle relâcha son bras le temps d'attraper un siège et d'y prendre place, bien décidée à terminer la soirée ici, avec Holden. Qu'il lui plaise ou non, elle ne lui demandait pas vraiment son avis. Elle paya son verre lorsque le barman le lui amena et l'empoigna avant de chercher le regard du brun et de lancer d'une voix enthousiaste : « Alors, on trinque à quoi ce soir ? » Doucement, elle essayait d'engager la conversation sur les raisons de sa venue ici. Puisque apparemment lui poser directement la question ne servait à rien... Elle trouverait bien un autre moyen.